Entretien avec Sa Majesté FOUO FOUAMENE GANNO PASCAL, ROI DES BALESSING
11 janvier 2020 | Rédigé par Ferdinand DOUMTSOP et Francis TOUSSI

Quelles sont vos impressions par rapport au dynamisme actuel des Bamiléké ?
Pour bien comprendre il faut renter au fond dans leurs cultures et traditions. Vous comprendrez que le dynamisme de ce peuple n’est pas une option. C’est une contrainte culturelle. Le Bamiléké naît avec les dettes envers sa société. Pour avoir de la considération sociale, il lui faut une maison, une femme, parfois un titre honorifique. Il y a des cérémonies à organiser pour fonder une famille digne et chacun veut réaliser ce défi. Aussi, il faut reconnaitre au Bamiléké son caractère essentiellement humanitaire. Il sait que seul, il ne vaudrait rien. Vous entendrez dire « une seule main ne peux faire un paquet ». C’est pour cela qu’il est toujours à la recherche du bien-être commun dans le but d’obtenir une force multiple. Cela demande beaucoup de travail et au fils des temps, cet engagement a forgé des hommes de terrain, travailleurs et soucieux de la cause humaine. On les retrouve dans tous les corps de métier. Mais ils font principalement le commerce et l’agriculture. Ils sont dans ce sens des travailleurs qui nourrissent le Cameroun et l’Afrique centrale. Vous remarquerez aujourd’hui que la dynamique entrepreneuriale bamiléké les plongent dans la création des entreprises, mieux des groupes d’entreprises, allant des coopératives aux banques en passant par des industries de transformation etc.
Quelles sont les tendances migratoires des Ngiemboon ? Il s’agit des gens qui se déplacent des villages aux villes? Aux villes des villages ? A l’outre-mer ?
A votre avis, quel est l’état actuel de transmission de la langue et la culture Ngiemboon aux jeunes ? La transmission est en train devenir plus forte, plus faible ? quel est le moyen actuel de transmission ?
Quelles sont les défis que vous voyez par rapport à la chefferie ? Quelles sont vos espoirs pour l’avenir ?
La chefferie traditionnelle est une institution au service du peuple. Le Chef est le régulateur de la vie en société. En fait, on dit que tu ne peux pas entrer dans la chefferie en pleur et ressortir sans espoir. Cependant elle connait de nombreuses difficultés de nos jours pour jouer pleinement ce rôle. Les défis des chefferies traditionnelles se présentent actuellement sur un triple plan : les ressources humaines, les infrastructures et l’autonomie.
Vous allez constater que beaucoup de personnes s’engage ou encore opte pour la monogamie dans les couples. Certains chefs traditionnels le font déjà. Je vous assure que cela présente un réel problème. Lorsqu’un chef change par exemple. Il faut au moins trois personnes (le Chef, le Sa’a et le Kuete) pour la succession pour ne citer que ce qui concerne les hommes. Les trois personnalités fortes dans l’organisation des chefferies traditionnelles doivent venir des femmes différentes du chef. Comment gérer cette situation pour un chef monogame ? Aussi, pour gérer une cite à plusieurs souches, on apprend chaque jour. Nos parents ont pensé faire de la chefferie un cadre d’étude expérimental pour le permettre de trouver plus aisément des solutions au problème qui adviendra dans le groupement. On dit que le chef ne dort jamais, ou encore il y jamais du calme à la chefferie. Certainement parce que la chefferie a d’abord une grande population et le chef doit toujours trouver solutions à ses problèmes.
Ensuite, la chefferie est garante de la meilleure vie pour sa population. Nous faisons face à des civilisations multiples avec des manières différentes de penser et d’agir. Or nous avons la conviction que notre tradition n’a que deux finalités : glorifier Dieu et rechercher le bien-être de l’homme. Étudier le sens des différentes cérémonies traditionnelles et dites-moi celles qui vante le mal. Aucune ! Les influences extérieures rendent la tache aussi difficile à la chefferie traditionnelle qui doit maintenir le lien entre la population qui lui est confiée et Dieu. Personne ne devrait s’égarer. Le peuple n’est pas en marge lorsqu’il considère le chef comme son Dieu, d’où l’expression « SSE LA’ ». L’autonomie est également financière. Au regard de la lourde responsabilité qui incombe au chef, la chefferie traditionnelle devrait trouver les moyens de sa politique, avoir des ressources pour faire fonctionner les différents organes de la chefferie. Il y a toute une organisation à la chefferie.
Enfin, les chefferies sont les gardiens des traditions, des objets et des forets sacrées. Aussi, c’est un lieu de rencontre pour des multiples évènements culturel, politique… il faut des infrastructures pour encadrer cela. Ex. chaque chef crée en principe un koon, si j’ai pu créer le mien comme selon les règles coutumières, il ne sera pas évident pour ceux qui viendront après moi. On aura sans doute un problème d’espace et il faut déjà y penser des maintenant. En somme nous devons encourager les chefferies traditionnelles dans leur rôle purement humanitaire afin d’éviter que les dérives sociales nous versent dans la déperdition et nous éloigne du salut divin.